Pourquoi il est difficile de s’occuper de soi-même
Se détendre, bien manger, faire un effort pour lire, se faire masser le dos… Nous sommes tous conscients que notre prospérité dépend de notre capacité à nous traiter avec délicatesse et attention. Quoi qu’il en soit, de l’hypothèse à la répétition, il y a une étape, parfois exceptionnellement difficile à franchir.
Nous nous distinguons beaucoup par notre corps
Il y a deux façons différentes de vivre son corps”, précise le psychanalyste J.-D. Nasio. Soit en l’oubliant, et là je distingue mon corps de mon être et je me révèle que “je suis mon corps” ; soit en le considérant, et là je tiens mon corps pour mon plus précieux grand, et je me révèle que “j’ai un corps”. »
Cela implique d’autant plus solidement que lorsque nous sommes unifiés avec notre corps, nous ne pouvons pas nous copier, et donc l’accepter comme un objet de soins. Et puis, au cas où nous saurions que nous avons un corps, un “as souverain”, tel que le caractérise le psychanalyste, qui a la capacité de faire traîner ou d’arrêter notre vie, nous pouvons alors le traiter avec toute la considération qu’il mérite.
Pourtant, le traitement de soi n’est pas seulement une question entre soi et soi. Pour Robert Neuburger, thérapeute et psychothérapeute (créateur, notamment, de Territoires de l’intime, Odile Jacob), cette méthodologie est de bon augure en matière de relation. “La personne ne peut pas “se faire exister” sans l’autre, elle ne peut pas se débrouiller sans l’autre. C’est la raison pour laquelle on ne se traite pas pour soi-même, mais comme l’indique l’apparence des autres. Pour sauvegarder le sentiment d’avoir une place. »
Si vous ne vous sentez pas suffisamment important, si vous doutez de votre valeur, si vous n’avez pas découvert votre place, le fait de vous occuper de vous-même n’est pas de bon augure. Après ma séparation, j’ai pensé que j’étais monstrueuse, ennuyeuse”, raconte Agnès, 44 ans. Le fait de m’occuper de moi impliquait alors de me rendre chez l’esthéticienne pour que ma petite fille ait de toute façon une image positive de sa mère. C’est aussi pour elle que j’ai mis du rouge à lèvres. »
Nous avons trop écouté la mère et le père
Dans le cas où la manière dont nous nous voyons dépend de la manière dont les autres nous regardent, c’est le regard parental qui nous permet dans un premier temps de construire une relation de grand cœur – ou non – avec notre corps. “Prendre conscience que la façon de se regarder ou de se mépriser dépend à la fois de notre histoire et de notre enseignement, examine la psychothérapeute Michèle Freud (créatrice de Mincir et se réconcilier avec soi, Albin Michel). L’impression de soi est formée par les mots, les signaux et les regards qui se manifestent dans la jeunesse.
Si cette expérience s’est avérée satisfaisante, nous aurons la possibilité de nous constituer une image solide de notre corps et une confiance décente. Si ce n’est pas le cas, la relation au corps sera plus gênante, et nous aimerons ignorer ce que nous n’aimons pas dans les nouvelles manières : nourriture terrible, épuisement, absence de propreté, etc.
Nonobstant ces informations sous-jacentes, souligne Michèle Freud, ce sont les messages positifs ou négatifs transmis par notre formation. “Ce moulage détermine notre conduite : ne pas chercher à se réserver des efforts sans reproche, en tenant compte du fait que le rapport à soi-même est un exercice de futilité, une preuve d’enfantillage, de repos du partenaire et de paresse…”. Chacune de ces convictions, à peu près conscientes, peut nous rendre malentendants face à nos exigences et entraver notre objectif de bien-être.
Evelyne, 36 ans, jette un regard jaloux et haineux sur “les individus qui se gâtent comme dans les magazines féminins”. “Couvertures, pétrissages, yoga…, quand ils accomplissent leur travail ? Je fais affaire avec une organisation PC de vingt personnes, j’ai deux enfants, je n’ai vraiment pas l’occasion de me gâter ! “Pourtant, Evelyne n’est pas malvoyante, ni dans son histoire, ni dans le transit dont elle a eu besoin pour se forcer dans une condition exceptionnellement virile. Son père, ancien administrateur de l’organisation, l’a toujours considérée comme sa “bénéficiaire”.
“Pas “bénéficiaire””, dit-elle en souriant. Pour nous, la valeur absolue est le travail et la réussite sociale. Au moment où mes amours étaient en train de faire la fête, je m’occupais de mon diplôme de troisième cycle aux États-Unis. De toute évidence, les cosmétiques et les vêtements n’étaient pas vraiment importants ! Aujourd’hui, malgré cela, je pourrais vouloir être plus douce avec moi-même, plus tactile et moins cérébrale, mais le point de non-retour est dépassé, les comportements négatifs sont acquis ! »
Nous pensons que nous ne le méritons pas
Nous avons tous des raisons de nous méfier de nous-mêmes dans le respect des bonnes mœurs. “Je n’ai pas l’occasion de m’occuper de moi”, “J’ai des activités préférables à la détente dans une organisation”, “Je n’ai pas la manière de m’occuper de moi” sont les raisons qui sont régulièrement avancées. “La plus reconnue est : “Je n’ai pas l’occasion”, note le psychothérapeute Gonzague Masquelier (directeur de l’Ecole parisienne de Gestalt – EPG – , créateur de Vouloir sa strive, la gestalt-thérapie aujourd’hui, Retz). Il est clair qu’il protège tout autour des convictions sécurisées, qu’il est important de distinguer et de détruire ensuite pour en tuer les effets négatifs. »
Parmi eux : “Je ne me réserve pas la possibilité de me soigner”, “Je ne mérite pas ces coûts”, “Ce n’est pas le soin qui me rendra plus heureux”… De plus, chacun d’entre eux recèle une force de trahison, un état pesant, ou des messages inconscients envoyés d’âge en âge. Laurène, 35 ans, a compris le degré de son “verrou intérieur” le jour où elle a consenti à un frottement de dos de la part d’un compagnon. “Je me suis couchée dans mes vêtements sous une lumière délicate. Muriel a commencé à me pétrir tendrement… Je n’ai pas tenu les cinq dernières minutes, j’ai éclaté en sanglots. C’était excessif : beaucoup de délicatesse, beaucoup de contact, je n’avais jamais rencontré cela ! A la maison, nous nous embrassions une fois par an, et pourtant… Cette dureté, cette sécheresse passionnée que j’ai tant endurée sans le reconnaître est revenue en même temps, j’ai pleuré pendant trente minutes sans avoir le choix de m’arrêter. »
Vous pouvez sentir que cela peut faire mal
Pour Gonzague Masquelier, cette réponse n’est pas inattendue. Au moment où nous nous sommes fabriqués dans un état émotionnel inflexible, la délicatesse, les considérations, le contact ne nous sont pas seulement inconnus, ils parlent d’un danger pour notre parité. Tous ensemble pour ne pas scruter son enfance, par conséquent jouer à faire tomber le parent de sa plate-forme, tous ensemble pour ne pas saboter les procédures de sauvegarde qui nous ont aidés à nous assembler, nous verrouillons toutes les entrées pour continuer à nous considérer comme tels.
De même, il peut être difficile, voire impensable, de s’occuper de soi-même au cas où on le vivrait comme un délit”, dont Freud fait partie. Au moment où nous nous permettons d'”aller” là où nos parents nous ont tabous : passer de bons moments, se réserver des efforts pour nous-mêmes, réaliser comment nous écouter. Ce n’est certainement pas une avancée fondamentale, il faut vaincre un sentiment de culpabilité pour échapper à l’exemple de la répétition. “Il est certain qu’il est difficile de supporter le coût d’un traitement de thalassothérapie ou d’une crème de tête quand vos parents ont eu des problèmes pour gagner décemment leur vie.
S’il est plus simple de s’occuper de soi-même quand on a compris comment se reconnaître et se chérir, il est en outre évident que le fait de savoir comment s’occuper de soi-même peut susciter une meilleure reconnaissance de soi et un meilleur traitement. Je n’ai pas confiance dans les bouleversements incroyables qui surviennent sans aucune prévoyance”, poursuit Michèle Freud. C’est pourquoi je préconise généralement, et pour tous, l’approche des petites avancées, celle en particulier qui peut nous accommoder délicatement avec notre corps, et donc avec nous-mêmes. »
Carole, 41 ans, l’a un peu contrariée il y a un an. “Je ne prends plus de petit déjeuner en famille, je sors quand tout le monde se réveille et je me promène. Dès le début, j’ai eu des remords, mais maintenant je me sens obligée et j’apprécie chaque pas que je fais, seule et en douceur vers le début de la journée. »
7 pistes pour se sentir mieux, un peu plus, un peu mieux
Au lieu de vous vanter des bienfaits irréfutables des spas, des fonds de teint, du yoga ou des cours de réflexion, nous vous proposons une petite solution de rattrapage, expliquée par les psychothérapeutes Michèle Freud et Gonzague Masquelier.
Essayez de ne pas mettre la barre trop haut.
Notez dans un bloc-notes chacune de vos phrases et réflexions qui commencent par “je devrais”, “je ne devrais pas”, “je ne devrais pas”, “tu devrais”, “tu ne devrais pas”. Vous risquez de vous rendre compte que vos objectifs en matière de subsistance, de bien-être et d’excellence sont excessivement prohibitifs et, de ce fait, gênants ou difficiles à atteindre. Abuser de soi-même, c’est aussi être excessivement exigeant avec soi-même.
Soyez au courant de vos activités.
Lorsque vous vous lavez, que vous vous écrémez, que vous buvez du thé, que vous vous habillez, gênez vos mouvements et concentrez-vous sur les sensations que ces mouvements vous procurent. Plus nous sommes des machines, plus nous négligeons notre corps et plus nous l’ignorons.
Choisissez votre rythme.
Est-il exact de dire que vous courez plus que le yoga, que vous êtes plus à l’aise que la réflexion ? Bougez à votre propre rythme, selon votre caractère et vos besoins. Il n’y a qu’une seule méthode pour s’occuper de soi : se mettre à l’écoute et tenir compte de ses propres besoins.
Regroupez-vous.
En couple ou en groupe, nous sommes plus inspirés car nous sommes plus soutenus.
Composez votre plan.
Choisissez deux heures dans la semaine et réservez-les. Mouvement ou oisiveté…, elles sont à vous. Au bout d’un certain temps, vous comprendrez comment les utiliser à votre place.
Apprivoisez les bons moments.
Un espresso brillant, une heure de lecture enveloppée d’une couverture, une assiette de télé extraordinaire en rechute… Lorsque vous aurez savouré cette joie, consignez vos sentiments et vos émotions, y compris les moins agréables (désagrément, reproche, pression, etc.). Vous trouverez comment affiner votre sentiment de joie en comprenant ce qui vous empêche de le rencontrer complètement.
Faites-vous des compliments.
Chaque dernière considération, chaque considération que vous vous donnez est une avancée majeure vers l’opportunité interne. Se traiter soi-même est difficile pour une grande partie d’entre nous, souvenez-vous en !